Les migrations chinoises en extrême-orient russe
La Chine connaît une pression démographique importante. En parallèle de la politique d’enfant unique, Pékin favorise l’émigration pour y faire face. Actuellement, un des foyers d’immigration chinoise est le Dongbei (littéralement, « nord-est », provinces de Heilongjiang, Jilin et Liaoning), dont la population atteint 110 millions d’habitant. Une partie des migrants du Dongbei a pour destination la Russie, en particulier le District Fédéral d’Extrême-Orient (DFEO), un des 8 districts fédéraux de Russie.
Il est difficile d’avoir des chiffres précis, provenant des sources russes, pour apprécier ce phénomène. Le DFEO a connu depuis les années 1990 de nombreux départs des populations slaves, perdant un quart de sa population depuis 1991. Bien que son territoire s’étende sur plus de 6 millions de km2 (presque deux fois l’Inde), sa population est estimée entre 6 et 7 millions d’habitants. Il est également difficile d’établir le nombre de Chinois présents en Russie : les chiffres officiels en recensent seulement 29 000 sur tout le territoire. D’autres estimations – plus réalistes – montent à 500 000 ; certaines plus fantaisistes et alarmistes indiquent des millions de chinois en Russie. Le nombre d’entre eux présents dans le DFEO n’est pas connu.
L’extrême-orient russe est riche en minerais et en bois (estimé à 1800 tonnes d’or, et 14 600 tonnes d’argent à extraire). Une partie des territoires de la région était sous domination chinoise avant le traité inégal d’Aigun en 1858 : la ville de Vladivostok, première ville régionale en population, était en effet une ville chinoise sous la dynastie Qing appelée Haishenwai. Aujourd’hui, Moscou craint des revendications territoriales de la Chine sur cette région, et s’inquiète d’une sinisation sous la pression démographique.
Par ailleurs la Chine investit énormément dans la région : un contrat de 400 milliards de dollars a été signé entre Gazprom et China National Petroleum Company en 2014 pour exporter le gaz du DFEO. L’orient russe, assez peu développé, tend à être de plus en plus dépendant à l’égard de la Chine. Avec les investissements, les travailleurs chinois peuvent même s’installer durablement, le contrat entre Gazprom et CNPC étant signé pour une durée de trente ans.
Il semble toutefois exagéré de penser que les migrations chinoises vont bousculer la démographie dans le DFEO pour en faire une région chinoise. Ces craintes rappellent celles du péril jaune, quand l’Europe craignait dès le 19ème siècle que des hordes d’asiatiques envahissent le vieux continent. Ce mythe s’est d’ailleurs largement consolidé après la victoire du Japon contre la Russie en 1905 ou lors des tensions sino-soviétiques de 1969. Dans l’imaginaire russe, l’Asie reste donc une source de menaces.